Aurions-nous reconnu Jésus sur le chemin d’Emmaüs ?

3e dimanche de Pâques. « La Parole de Dieu produit-elle un cœur brûlant en nous ? » Le père Fernand Lepage pose la question dans son homélie des 22 et 23 avril 2023. « Le chemin d’Emmaüs reprend les épisodes de nos vies, de notre vie de croyant avec des moments de doute et de peur et d’autres où la lumière nous apparaît. »

Père Fernand Lepage : « Nous retrouvons dans récit des disciples d’Emmaüs les quatre temps de la messe: le rassemblement, la Parole, la communion et l’envoi ».
Père Fernand Lepage : « Nous retrouvons dans le récit des disciples d’Emmaüs les quatre temps de la messe: le rassemblement, la Parole, la communion et l’envoi. »

En ce 3e dimanche de Pâques, nous retrouvons – comme tous les trois ans – cette lecture du récit des disciples d’Emmaüs. Nous sommes au soir de Pâques et deux hommes quittent Jérusalem pour faire route vers Emmaüs. Ils sont tout tristes et désemparés par les événements qu’ils viennent de vivre.

Ils comptaient sur Jésus pour libérer le peuple d’Israël de l’occupant romain. Ils avaient en tête, comme beaucoup de leurs amis, une perspective très politique. Et voilà que Jésus est mort, crucifié, le vendredi. Pour eux, « tout est fini ».

Comme votre cœur est lent à croire tout ce que les prophètes ont proclamé ! Ne fallait-il pas que le Christ souffrît cela pour entrer dans sa gloire ?

C’est alors qu’un inconnu s’approche d’eux et se met à marcher avec eux. Il leur demande : « De quoi discutiez-vous en marchant ? » Ils n’ont pas reconnu en cet homme, cet inconnu, Jésus… Ils lui racontent tout ce qu’ils ont vécu en ces jours sombres – et leur désespoir.

Jésus prend le temps de les écouter avant de prendre la parole : « Comme votre cœur est lent à croire tout ce que les prophètes ont proclamé ! Ne fallait-il pas que le Christ souffrît cela pour entrer dans sa gloire ? » Et il leur interprétait longuement tout ce qui le concernait.

Arrivés au village, ces deux disciples invitent l’inconnu : « Reste avec nous, car il se fait tard. » Et au cours du repas, il « prit le pain, il prononça la bénédiction et, l’ayant rompu, il le leur donna. Alors leurs yeux s’ouvrirent, et ils le reconnurent, mais il disparut à leurs regards ».

Aussitôt, ils se levèrent et repartirent à Jérusalem pour rencontrer les onze apôtres et leur raconter « ce qui s’était passé sur la route et comment le Seigneur Jésus s’était fait reconnaître par eux à la fraction du pain ».

Ce récit reprend des épisodes de nos vies, de notre vie de croyant, faite de moments de doute, d’hésitation, de peur et d’autres moments où la lumière apparaît davantage…

Oui, ce récit reprend bien des épisodes de nos vies, de notre vie de croyant, qui peut être faite de moments de doute, d’hésitation, de peur et d’autres où la lumière apparaît davantage. C’est la démarche qui nous est proposée dans nos assemblées, en particulier chaque dimanche au cours de cette Eucharistie. Nous pouvons reprendre ces quatre temps de messe…

D’abord, le premier temps, c’est le rassemblement. Pour nous, il n’est souvent pas trop personnalisé. Alors qu’en fait, cela correspond à ce que nous apportons. Et comme les disciples sur la route, nous venons parfois avec des événements lourds à porter. Nous venons avec des réalités qui nous encombrent. Et nous pouvons parfois être tristes.

Mais pouvons-nous le partager ? Il y a peu d’échanges, il est vrai dans l’ouverture de la célébration. Et pourtant, nous ne venons pas les mains vides ni le cœur à l’écart de ce que nous vivons personnellement et avec les autres.

Pour nous, ce temps de la Parole ne produit pas toujours « un cœur brûlant en nous », comme les disciples l’affirmaient

Le deuxième temps, dans l’Eucharistie, c’est celui que nous vivons en ce moment, l’écoute de la Parole de Dieu. Cette Parole qui veut nous éclairer. Cette Parole que nous sommes invités à accueillir. Quelle importance a revêtu pour les disciples ce que Jésus leur a dit, en partant de Moïse et de tous les prophètes?

Il est vrai que, pour nous, ce temps de la Parole ne produit pas toujours « un cœur brûlant en nous », comme les disciples l’affirmaient. Elle ne rejoint pas forcément dans nos préoccupations que nous sommes invités, habituellement, à partager dans la prière universelle qui conclut cette Parole de Dieu à chaque Eucharistie.

Le troisième temps, c’est le repas. Dans l’Eucharistie, nous en venons toujours à la consécration du pain et du vin, puis l’invitation à recevoir le corps du Christ, à le reconnaître comme agissant dans nos vies. « Ils le reconnurent au partage du pain. » Mais l’Eucharistie ne s’achève pas avec cette communion.

Que faisons-nous pour poursuivre notre route, conscient que Jésus Christ nous accompagne, qu’il est vivant, avec nous ?

Le quatrième temps, le plus bref, mais tout aussi important, c’est l’envoi. « Les disciples se levèrent et retournèrent vers leurs frères et sœurs. » Ils annoncent la Bonne Nouvelle. Que faisons-nous de cet envoi, de notre contact immédiatement avec tous ceux qui partagent notre existence ? Que faisons-nous pour poursuivre notre route, conscient que Jésus Christ nous accompagne, qu’il est vivant, avec nous ?

Puisse ce récit des disciples d’Emmaüs nous provoquer et nous aider à vivre également comme disciples de Jésus Christ et à en être ses témoins comme nous le montre saint Pierre dans sa lettre aux premiers chrétiens.

père Fernand Lepage,
prêtre associé au service pastoral
de la paroisse Saint-Judicaël en Brocéliande