Tournage d’un film sur les pas de Marcel Callo

Tanguy Louvel, 1er à droite, et Emmanuel Massou, 3e en partant de la droite, sont allés à la rencontre des autrichiens et allemands qui entretiennent le souvenir du Rennais Marcel Callo
Tanguy Louvel, 1er à droite, et Emmanuel Massou, 3e en partant de la droite, sont allés à la rencontre des autrichiens et des allemands qui entretiennent le souvenir du Rennais Marcel Callo

En novembre 2022, Emmanuel Massou et Tanguy Louvel, les réalisateurs des Productions du Regard, ont sillonné l’Allemagne et l’Autriche sur les pas du bienheureux Marcel Callo. En jeu, la réalisation d’un film documentaire sur le jeune Rennais, mort à Mauthausen le 19 mars 1945, coproduit par CFRT – Le Jour du Seigneur, dont la sortie est prévue en juin 2023.

Article paru dans Église en Ille-et-Vilaine, n° 346 – Déc. 2022

Tanguy Louvel

Réaliser un film documentaire tient à la fois de l’enquête policière et du roadtrip spirituel. On croit connaître son sujet, puis de nouvelles pièces s’ajoutent au puzzle et nous bousculent dans nos convictions.

Léon, chef scout allemand, témoigne de sa foi et de son amitié pour Marcel Callo

Un enthousiasme « marcelien »

Franckfurt-am-Mein, en Allemagne, église du Bon Pasteur, dimanche 14 novembre. Quelques jeunes, membres du groupe scout Marcel Callo, se retrouvent pour leur assemblée générale. Léon Wiet, le chef des louveteaux, nous partage sa foi et son amitié pour Marcel Callo. Être chrétien en Allemagne, aujourd’hui, n’est pas plus facile qu’en France. Ici aussi, l’Église catholique vit des temps difficiles. Pour Léon, pas de doute, le message de Marcel est bien contemporain : si on a la foi, on ne peut garder ce trésor pour soi, on doit le partager au plus grand nombre.

Erfurt, lundi 15 novembre. Du séminaire interdiocésain qui nous accueille, nous rayonnons à la découverte des lieux empreints de la mémoire de Marcel Callo, comme la Marcel Callo Haus, à Heiligenstadt. Une statue grandeur nature trône dans le hall d’entrée. Cette maison d’accueil de la jeunesse vit de la mémoire de Marcel Callo. Une exposition réalisée par les jeunes relate la vie du bienheureux, dans la cage d’escalier.

Des lieux emblématiques 

Zella-Melhis. Mardi. Le temps se gâte. Marcel y a séjourné de mars 1943 à avril 1944 pour accomplir son Service de Travail Obligatoire. Dans cette église sans prétention, Marcel est venu prier. Avec beaucoup d’enthousiasme, Élisabeth, une paroissienne, nous explique que sa grand-mère était protestante, comme beaucoup dans la région. Un jour, elle entend chanter dans cette église, entre, et là, se convertit. Les prisonniers français chantent d’un seul chœur la messe. Marcel était parmi eux.

Plaque commémorative de la présence de Marcel à la prison de Gotha en Allemagne. On distingue le dessin de la croix en fleurs d’immortelles

Gotha. Mercredi. Un bâtiment sombre s’élève face à nous, désaffecté. C’est l’ancienne prison. D’avril à octobre 1944, Marcel et ses compagnons y sont enfermés. Leur action « trop catholique » leur vaut les foudres du régime nazi. C’est dans ce lieu qu’est confectionnée la fameuse croix d’immortelles. Aujourd’hui, sur le bâtiment administratif qui jouxte l’ancienne enceinte pénitentiaire, une plaque commémorative apposée par la mairie de Gotha rappelle la présence du bienheureux Marcel Callo en ces lieux, la croix d’immortelles y est aussi représentée.

Linz, en Autriche. Jeudi. Paroisse Marcel Callo. De l’extérieur, rien n’identifie le bâtiment comme une église. C’est une ancienne manufacture textile. À l’intérieur, le centre paroissial est incroyablement aménagé : une vaste église où trône le portrait de Marcel, un baptistère dans une ancienne turbine, un grand espace de convivialité où nous accueillent Barbara Hannerer et Christoph Fuchs, chevilles ouvrières de la paroisse. Ils nous ont concocté un programme dense de rencontres avec des jeunes, des paroissiens pour qui Marcel Callo est un véritable ami.

« L’enfer de l’enfer »

En Autriche, le four crématoire du camp de Gusen, où Marcel a travaillé avant de mourir
En Autriche, le four crématoire du camp de Gusen, où Marcel a travaillé avant de mourir

Gusen. Vendredi. « L’enfer de l’enfer ». C’est ainsi que Rudolphe Haunschmied, spécialiste du lieu, nous introduit dans le mémorial. Là, deux fours crématoires, reliques de la barbarie, témoignent de la cruauté humaine. Injustement oublié, le camp de Gusen, où Marcel a passé les six derniers mois de sa vie, est le véritable centre névralgique de ce complexe concentrationnaire. Nous cheminons le long de l’ancienne voie de chemin de fer que Marcel a empruntée chaque jour pour se rendre dans le tunnel n°4, où il triait des rivets pour l’aviation. Soudain, la cloche de l’église de Gusen sonne l’office. Notre guide s’interrompt. Cette cloche, Marcel l’a certainement entendue. Peut-être, l’a-t-elle aidé à prier.

Mauthausen. Au pied de cette forteresse, en contrebas, dans l’infirmerie aujourd’hui disparue, Marcel est venu mourir. Le silence du lieu m’impressionne. Nous quittons l’Autriche. En silence. Ce tournage, dense, marque une étape décisive dans notre long travail de réalisation. Comment aurions-nous pu raconter Marcel, comprendre son martyre sans nous rendre en ces lieux ?

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