Sortis de l’enfer de Marioupol, ils revivent en Ille-et-Vilaine

La famille Revina, réfugiée de Marioupol en Ukraine

Après quelques jours passés en France, la famille Revina a retrouvé le sourire. Accueillie à Bréteil, à l’ouest de l’Ille-et-Vilaine, cette famille ukrainienne est arrivée le 7 avril dans le car affrété par la Diaconie Brétillienne. Premières impressions d’une résurrection !

Propos recueillis par Yann Béguin

C’est un entretien difficile à mener : l’échange est très ralenti par la traduction automatique du smartphone et les souvenirs sont douloureux. Mais cette famille est étonnante de résilience et de solidarité : tous ensemble, ils partagent ce qu’ils veulent exprimer et se mettent d’accord avant la traduction. Ils sont avides des cours de français qui leur sont proposé, chaque jour par des bénévoles, et de tous les moments organisés pour eux. Les démarches administratives sont en bonne voie mais il faut aussi créer un environnement chaleureux et stimulant. Anne et Stéphane les hébergent dans une dépendance de leur maison, en bordure du village, et ont vite mis en place un réseau d’entraide en s’appuyant sur des amis et la paroisse.

La famille Révina est accueillie à l’église de Montfort sur Meu. Un réseau de paroissiens s’est constitué pour les accompagner

Une famille unie et résiliente

La famille est composée de 6 personnes : le père, Serguei, 47 ans, est ingénieur dans l’entretien et la réparation des bâtiments. Sa femme, Nina, 43 ans, a travaillé à l’usine métallurgique de Marioupol, puis dans la circulation des trains. Leur fille aînée, Maria, 20 ans, vivait depuis 3 ans avec son fiancé. Etudiante en psychologie, elle devait très bientôt passer son diplôme et travaillait dans un salon de manucure afin de payer ses études. Créative (écriture, dessin) et sportive (danse, gym), elle devait se fiancer le 8 mars avec Kyrilo, 19 ans. Étudiant en électrotechnique et électromécanique, passionné de football, il travaillait dans un bureau de tabac dans l’espoir de s’acheter une voiture. Il y a aussi les 2 fils, Tymofii, 14 ans et Yvan, 12 ans.

Une famille unie, qui aimait bien se baigner à la plage de Marioupol, où ils vivaient encore il y a quelques semaines… avant le déclenchement de la guerre par la Russie. Voici leur récit.

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Nous avons dû vivre 3 semaines dans la cave

« Nous vivions à Marioupol et nous parlons russe, même si nous comprenons bien l’ukrainien. A Marioupol, ce n’était pas la guerre comme dans le Donbass tout proche. Cette ville a beaucoup changé ces 5 dernières années : les routes ont été réparées, des maisons reconstruites, nous avons même construit un grand complexe de sport de glace et une piscine. C’était une ville moderne et confortable.

A partir du 1er mars, Marioupol a été encerclé par les troupes russes. Nous avons dû descendre dans la cave de notre immeuble où nous avons vécu pendant 3 semaines. Nous n’avions plus de chauffage, de gaz, de lumière, d’eau potable et de communication mobile. Tout était arrêté dans la ville, les magasins et les pharmacies étaient fermés. Il n’y avait plus ni police, ni morgue.

Le 18 mars, lorsque notre voiture était encore intacte, nous avons essayé d’aller vers l’Ukraine de l’ouest. Mais nous avons été arrêtés à un poste de contrôle et avons dû retourner dans notre abri.

Dessin de Yvan, 12 ans, sur la guerre à Marioupol

Nous avons été expulsés vers la Russie

Dans notre sous-sol, nous étions très unis avec les voisins, nous partagions l’eau et la nourriture. Nous avions fait un feu et nous nous relayons pour préparer le repas. Nous sommes sortis chercher de l’eau tous ensemble à un puit, mais quelques jours plus tard un sniper a tué 10 personnes à cet endroit. Nous étions constamment bombardés, même la nuit. Les maisons autour prenaient feu. Chaque jour, c’était pire. Des combats ont commencé à avoir lieu dans notre rue : nous entendions les tirs de chars, les rafales de mitrailleuse.

Un obus a détruit notre appartement et l’immeuble a pris feu. Près de l’immeuble, notre voiture a aussi été détruite. Nous avons dû fuir avec juste ce que nous avions avec nous : nos téléphones et chargeurs, nos habits, quelques documents… et notre chat. Les militaires russes sont arrivés et nous ont demandé de partir vers la mer. Nous avons été mis dans un bus et expulsés vers la Russie. Nous devions continuer ensuite en train mais nous ne voulions pas rester en Russie. Nous avons pris un autre train pour Saint-Pétersbourg (au nord-ouest de la Russie), puis vers Ivangorod où nous avons pu traverser la frontière avec l’Estonie. Là, un bus nous a conduit à Varsovie en Pologne, dans un camp de distribution. Nous y avons vécu pendant 3 jours quand nous avons entendu qu’un enregistrement se faisait pour la France et nous avions envie d’aller vers ce pays.

La jeune Maria, 20 ans, montre son cahier d’écriture où elle consigne son histoire, à côté de sa mère Nina et de son fiancé Kyrilo

Nous comprenons que nous devons passer à autre chose

A notre arrivée en France, à Rennes, nous avons été accueillis par Anne et Stéphane. Ils nous ont beaucoup aidés : nous ne nous attendions pas à un accueil aussi chaleureux. Ils nous ont donné des vêtements, de la nourriture, un logement. Tous les voisins et amis nous aident aussi.

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Beaucoup de nos amis et proches sont encore à Marioupol et nous n’avons pas de connexion pour savoir s’ils sont vivants ou morts. Comme pour la famille de Kyrilo, qui a aussi été déportée en Russie. Au début, nous étions sous le choc et dans une grande dépression. Nous ne savions pas ce que l’avenir nous réservais car nous avions tout perdu. Nous sommes très inquiets pour l’Ukraine, Marioupol et nos amis restés là-bas. Chaque matin, nous nous réveillons et nous ne croyons pas ce qui s’est passé.

Mais nous comprenons que nous devons passer à autre chose. Nous avons accepté ce qui s’est passé et essayons de commencer une nouvelle vie. Nous sommes heureux d’avoir survécu et cela nous a rendu plus fort. Nous sommes une famille très positive, et même dans les pires moments nous avons essayé de plaisanter et garder une bonne humeur pour ne pas devenirs fous !

Grâce à la France et aux gens qui nous entourent, nous nous sentons à l’aise et chez nous. Mais nous aimons beaucoup notre pays et espérons que nous pourrons y retourner. »

Pour terminer, Maria, la jeune femme, montre son journal de bord, qu’elle tient depuis ses 14 ans. Elle a continué d’y relater les péripéties de ces dernières semaines. Elle montre les pages, couvertes d’une écriture régulière, et illustrées de quelques dessins. Une petite pochette y renferme un souvenir tangible de cet enfer que jamais elle n’aurait cru pouvoir traverser : un petit éclat d’obus qui a traversé un jour sa fenêtre. « Un jour, je rêve d’écrire un livre ! » conclue-t-elle.

Urgence Ukraine avec la Diaconie Brétillienne

Particuliers, entreprises, dons avec déduction fiscale IFI… votre aide sera redistribuée directement aux collectifs paroissiaux qui accueillent des réfugiés ukrainiens dans le diocèse de Rennes, en fonction de leurs besoins.