Parole de l’évêque : Souviens-toi et sois dans la gratitude

Dimanche 26 janvier, j’étais à la synagogue de Rennes, avec deux prêtres et d’autres catholiques du diocèse pour la commémoration de la Shoah.

Paru dans Église en Ille-et-Vilaine n°316 – Février 2020

M. Philippe Strol, Président de la Communauté juive, nous a accueillis. Il nous a rappelé le mot hébreu Zhakor : Souviens-toi. Il s’agit de se souvenir de l’Alliance que l’Éternel a conclue avec son peuple, Israël. Mais, nous a dit M. Strol, ce mot est entré dans l’histoire afin que celle-ci garde son sens. Se souvenir de la Shoah, mal et non-sens absolus, c’est faire mémoire des fils d’Israël qui, pour l’unique raison qu’ils étaient juifs, ont été mis à mort. Se souvenir d’eux, c’est considérer qu’ils demeurent des enfants de lumière. Aussi, Philippe Strol a-t-il conclu son propos – que nous devons tous lire – par ce verset d’Isaïe : « Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière ; et sur les habitants du pays de l’ombre de la mort, une lumière a resplendi. » (9,1) Se souvenir, dans l’estime de nos frères et sœurs juifs, c’est contribuer à faire briller la lumière, à vaincre les ténèbres.

Ce lundi 27 janvier, nous nous sommes souvenus de l’ouverture du camp d’Auschwitz-Birkenau, il y a 75 ans. Le nazisme est l’idéologie monstrueuse qui a engendré la folie meurtrière et unique : la Shoah, dont ce camp est le symbole. C’est-à-dire la volonté d’exterminer le Peuple juif, le porteur de la Parole divine, afin d’en substituer un autre, le peuple de la race aryenne, idolâtre de lui-même.  Rejeter absolument cette idéologie perverse ne suffit pas. Plus que s’opposer au mal, il faut adhérer au bien librement choisi ; telle est la vocation de notre liberté ! C’est pourquoi, lutter contre le nazisme, c’est adhérer délibérément au vrai bien que la folie nazie a voulu annihiler. Ainsi nous lutterons efficacement contre l’antisémitisme. En effet, le nazisme a voulu anéantir le bien immense apporté par les Hébreux dans l’histoire des hommes.

Nous, chrétiens, devons être dans la gratitude amicale : ce peuple hébreu a introduit dans le monde et dans l’histoire le monothéisme qui demeure vivant chez le Peuple juif aujourd’hui. Portée par Israël, la foi au Dieu unique et vrai est venue jusqu’à nous. Nous avons accueilli la « sainte » loi que les fils d’Israël ont reçue par Moïse et transmise à leurs enfants et aux enfants de leurs enfants  jusqu’à aujourd’hui. Nous avons recueilli toutes les Écritures d’Israël, divinement inspirées, que le Peuple juif médite aujourd’hui.

Nous, chrétiens, avons avec le Peuple juif un « riche patrimoine spirituel » (cf. Nostra Aetate n. 4), ce qu’a rappelé le pape François ce 20 janvier en précisant : « Nous devons le mettre au service de tous. »

Le Pape s’est alors interrogé : « Je sens que, aujourd’hui en particulier, nous sommes appelés, nous en premier, à ce service : non à susciter de la distance et à exclure, mais à se faire proche et à inclure ; non à promouvoir les solutions de la force, mais à avoir de l’attention pour la proximité. Si nous ne le faisons pas, nous qui croyons en Celui qui, de la hauteur des Cieux, s’est souvenu de nous et a pris à cœur notre faiblesse, qui le fera ? Je pense à cette parole de l’Exode : « Dieu se souvint de son alliance avec Abraham, Isaac et Jacob. Dieu regarda les fils d’Israël, et Dieu les reconnut. » (2,24-25) Nous souvenant de ce passage, nous prendrons à cœur ceux qui souffrent. De cette manière, nous cultiverons le terrain de la fraternité. »

En méditant la Parole de Dieu, les séminaristes et les prêtres, appelés à devenir de bons bergers, apprennent qu’ils ont à conduire les brebis sur les bons pâturages de cette gratitude amicale envers le Peuple juif, afin de cultiver la fraternité entre tous les hommes.

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