La Procréation Médicalement Assistée (PMA)

La souffrance d’enfant formulée par les couples de femmes et les femmes seules est une souffrance complexe d’un désir non satisfait. La souffrance du désir n’est pas la souffrance du besoin. Elle ne peut se résoudre comme une solution technique résout un problème technique. Quels que soient les couples, le désir d’accueillir un enfant peut parfois évoluer vers une volonté farouche d’en « avoir » jusqu’à en « avoir à tout prix » dans une sorte d’acharnement procréatique. La transformation de l’ardeur du désir en exigence de la volonté […] est un butoir éthique : le désir de l’autre étouffe dans l’enserrement de sa volonté propre ; le non-savoir du désir est remplacé par la volonté de conformité à son projet ; l’enfant n’est plus attendu en sa nouveauté et son altérité dans la complexité des désirs mais il est voulu pour répondre à ce qui se manifeste désormais comme un besoin. La dissociation nécessaire de la sexualité et de la procréation dans les couples de même sexe expose davantage à cet écueil car la rencontre de deux désirs sexuels potentiellement féconds, pour rester une rencontre, ignore ce qu’elle veut. Le recours au tiers donneur accentue encore cette tendance si le donneur est réduit à un fournisseur anonyme de ressources génétiques.

Si le droit faisait évoluer clairement la mission de la médecine de la remédiation à des pathologies vers la fourniture d’ingénieries biotechnologiques au service des demandes sociétales, rien ne pourrait arrêter la transformation des désirs en volonté et la transcription des volontés en nouveaux droits, rien ne pourrait limiter les demandes d’assistance médicale au suicide au motif de souffrances jugées insupportables, rien ne pourrait arrêter la convocation impérative de la médecine dans cette étrange nouvelle collusion entre la volonté de faire naître et la volonté de pouvoir mourir à sa guise. […]

La procréation ne doit pas devenir une fabrication : seules des personnes doivent engendrer des personnes dans un acte personnel. Procréer, c’est, selon la double étymologie du préfixe, mettre en avant un nouvel être humain dans le monde et le faire en faveur de lui-même. Certes, il suffit de rencontrer des couples qui ont eu un enfant avec l’aide des techniques biomédicales pour constater qu’au-delà de leurs fantasmes et craintes, ils ne regardent pas leur enfant comme un produit des biotechnologies mais comme un miracle, un mystère. Ils ont le plus souvent conscience qu’il n’est pas possible de produire ou de causer un être humain libre. Cet émerveillement singulier n’invalide pas la nécessité de devoir signifier socialement, juridiquement et politiquement que tout être humain reste un mystère, une valeur absolue, un incomparable remis à lui-même comme être libre. Mais comment éviter la dérive fabricatrice si l’on peut déjà acheter du sperme pour « faire un enfant » en choisissant les caractéristiques du fournisseur ?

Bruno Saintôt, sj, responsable du département éthique biomédicale du Centre Sèvres (Paris)
« Jusqu’où assister médicalement la procréation ? Les réponses paradoxales des avis du CCNE. », Études, 2017/9 Septembre, pp. 33-44.

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